NB: Texte écrit le 9 novembre 2016, au lendemain de l’élévation de l’écrivaine au rang de Chevalier de l’Ordre National de la Valeur par le Chef de l’Etat Camerounais. Soit 4 années avant le sacre au Prix Goncourt des Lycéens.
Tu ne devais pas écrire, non ! Tu ne le devrais pas, toi Amal !
Tu n’étais pas destinée à écrire, et quoi encore ? Un livre !
Qu’est-ce qui te passe par la tête ?
C’est quoi déjà un écrivain ? Une écrivaine alors !
Une femme qui ose vouloir écrire un livre ! Elle ne serait pas une malade, elle l’est sans doute ! Si d’aventure elle n’est déjà pas folle !
Eh oui ! Elle est tout, cette femme-là ! Sauf, bien sûr, un modèle de femme ; celle-là qui naît et grandit dans l’aspiration de son « destin » séculaire, qui l’assigne à sa condition de femme au service de… l’homme !!!
Voilà des munitions balistiques aux bons soins de tes rêves abjects !
Je sais pouvoir mesurer ces obstacles, qui n’auraient jamais dû exister, et que tu as su proprement surmonter, simplement pour parvenir à s’essayer à l’écriture !
En dépit de cela, de tout cela, tu es parvenue à te hisser là où tu n’étais pas conviée ! Tu t’es distinguée là où la mécanique sociale de ton univers culturel ne te prédestinait nullement, envers et contre tous ! Tu fais partie du visage de la nouvelle littérature camerounaise, comme l’ont affirmé non sans pertinence certains quotidiens nationaux ! Rien de moins ! A lire tes œuvres, qui croira que tu aies subi la moindre entrave socioculturelle à tes « satanés » desseins d’écrivaine ? Tu ne t’es pour ainsi dire trouvé aucune excuse !
Pour pointer à un tel niveau, il t’a fallu, en plus de ton génie romanesque indiscutable, une conviction profonde en la puissance et la vertu de l’écriture, de la foi en ces valeurs auxquelles tu t’es résolument attachée, du courage, mais aussi de la détermination.
Oui, tu l’as fait ! Contre vents et marées ! Mais tu ne l’as pas que fait ! Tu ne t’es pas contentée d’écrire, et bien ! Tu dénonces, tu affrontes et tournes en bourrique l’inconcevable qui est pourtant toléré, qui passe sans complexe pour du normal et même du bon sens ! Tu dis l’indicible ! Tu pourfends l’inexplicable ! Les tabous séculaires, ceux qu’on n’ose pas toucher — car armés d’une immunité là-bas —, tu les brises à coups de plume !
Ton irruption aussi inattendue que tonitruante et spectaculaire sur la scène littéraire, au mépris des préjugés, a été unanimement saluée au point de te valoir un pseudonyme : La voix des sans voix. C’est loin d’être un cadeau, certes, c’est néanmoins une vérité scientifique comme l’attestent les travaux rigoureusement menés de cette étudiante en Anthropologie de l’Université américaine d’Arkansas, mandatée par son établissement pour comprendre le « pourquoi » et le « comment » d’un tel pseudonyme ! Elle est venue de si loin, de chez elle, outre-Atlantique, aux frais de son pays, pour mener les recherches sur tes écrits. Oui, tes écrits, disais-je ! Elle était en mission !
Elle en est repartie, après six mois passés sur le terrain de ton immense Septentrion natal, avec cette certitude étayée dans un mémoire d’une quarantaine de pages ! Tout ça pour toi, sur ta modeste personne et le geste de ton esprit !
Je m’en souviens, c’était il y a quelques années ! Margaret, c’est d’elle qu’il s’agit, ne cachait pas son admiration pour toi ; à en juger par sa fierté et son émotion de se figer à côté de toi le temps d’un instantané !
Disons-le tout net, tu es sans doute la personnalité la plus significativement importante que ton Sahel natal n’ait jamais su éclore. Pionnière malgré toi, tes œuvres et le modèle que tu représentes inspireront des générations dans les décennies et siècles à venir, aussi bien au Cameroun que de part le monde !
C’est aussi cela l’expression de la haute distinction nationale de Chevalier de l’Ordre de la valeur, au rang de laquelle le décret du Président de la République t’a solennellement élevée par ce mardi 08 novembre.
Chapeau bas, l’artiste !
©Badiadji Horrétowdo
/Ecrivain/09 novembre 2016